Link to the article:
Source:
Paperjam
Written by:
Maëlle Hamma
2 avr. 2024
Plusieurs acteurs du domaine de la santé ont annoncé, le 25 mars, le lancement du projet DataSpace4Health, destiné à construire un espace de données de santé en interconnectant les différents acteurs de l’écosystème. L’objectif: définir un nouveau modèle, avec l’ambition, à terme, d’améliorer l’état de santé et la prise en charge des patients. Avec, aussi, le souci de protéger ces données… qui valent une fortune sur le darkweb.
Prenons tous les acteurs de l’écosystème de la santé et des technologies, chacun avec son savoir-faire et ses données. Ils sont nombreux. Imaginons-les désormais tous autour d’une même table, pour collaborer, au service de la santé de demain et des patients. C’est grossièrement ainsi que l’on pourrait résumer le projet DataSpace4Health.
Fruit d’une collaboration entre l’opérateur en infrastructures numériques NTT Data, les Hôpitaux Robert Schuman, le Luxembourg Institute of Health (Lih), l’Université du Luxembourg, l’Agence eSanté ou encore le Luxembourg National Data Service (LNDS), le projet DataSpace4Health a vocation à interconnecter différents systèmes du secteur de la santé pour définir un modèle fiable qui permettra de partager des données de santé de façon optimale, «en respectant les obligations de sécurité et de confidentialité».
L’objectif final: bâtir le modèle d’une infrastructure de données sécurisées, au service des patients, mais pas seulement. Le projet veut aussi explorer d’autres défis liés aux données de santé, notamment sur le plan commercial, juridique et technique. Pour l’heure, DataSpace4Health est bien un projet de recherche, et non une application live ou une plateforme d’échange de données. Mais reste tout de même à savoir comment la protection de ces données est envisagée.
Des données vraiment sécurisées ?
Question légitime au regard d’autres projets similaires portés, par exemple, en France. Prenons le cas de celui du Health Data Hub pour lequel, à plusieurs reprises, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a émis des avis (consultables dans un document en ligne) relatifs à diverses composantes de la plateforme, notamment les conditions d’hébergement des données et des possibilités d’accès par des autorités de pays tiers. Le Health Data Hub avait fait le choix de recourir aux services de Microsoft Ireland, société située dans l’UE, pour héberger les données de santé dans des centres de données situés en France. L’hébergeur en question, Microsoft, est aussi partenaire de NTT, tout comme Amazon Web Services (AWS) ou encore Google et Alphabet.
Face à ces questionnements, NTT veut rassurer: «Il s’agit d’un projet de recherche qui vise à évaluer comment le secteur de la santé au Luxembourg bénéficierait de l’économie des données définie par la Commission européenne, et non d’une plateforme de données. La sécurité au sein du nouveau modèle est clé pour nous. Le projet adhère et fait partie de la stratégie européenne pour les données. Il sera entièrement conforme aux règles du RGPD et il prend en considération les récentes publications de la Commission européenne (Data Governance Act, Data Act, Interoperable Europe Act, AI Act…). La Commission européenne définit de nouveaux modèles opérationnels de données basés sur un nouveau concept appelé ‘data space’. Le projet est une expérimentation de ces nouveaux concepts et est entièrement aligné sur les réglementations et règles au niveau européen et national», détaille NTT.
Quant à un éventuel partage de données, NTT répond: «Nous n’utilisons ni ne partagerons de données réelles sur les patients avec des parties externes. Dans le cadre de ce projet, nous évaluerons et créerons un nouveau modèle opérationnel entre l’hôpital et les institutions de recherche.» Un modèle qui pourrait ensuite être décliné dans d’autres secteurs d’activité.
"Nous voyons cette initiative comme une étape cruciale vers la réalisation de notre vision d’un système de santé transformé numériquement."
Dr Marc Berna, directeur général des Hôpitaux Robert Schuman
L’ambition ne se limite pas au Luxembourg, puisque le projet veut aussi coller aux normes établies par Gaia-X, initiative européenne de gouvernance numérique pour obtenir la transparence, la contrôlabilité, la portabilité et l’interopérabilité des données. «La santé est peut-être le défi le plus difficile à relever sur la scène européenne. Cela implique de travailler avec différentes parties prenantes et de respecter des normes élevées en matière de sécurité et de conformité. C’est pourquoi je suis très heureux que les membres du consortium DataSpace4Health aient uni leurs forces et abordé cette question», a déclaré le coordinateur national de Gaia-X au Luxembourg, Ralf Hustadt.
Cette initiative européenne (Gaia-X) a été lancée face au constat que l’échange de données était encore limité par des technologies propriétaires qui manquaient de transparence, et qui ne permettaient pas cette fameuse interopérabilité. «Le projet DataSpace4Health représente un moment charnière pour la santé au Luxembourg. Nous voyons cette initiative comme une étape cruciale vers la réalisation de notre vision d’un système de santé transformé numériquement», a indiqué le directeur général des Hôpitaux Robert Schuman, le Dr Marc Berna.
De quoi permettre des avancées concrètes, au bénéfice des patients, assurent ses promoteurs. L’initiative doit permettre, à terme, de pouvoir explorer de nouveaux traitements médicaux, par exemple, en se basant sur les données et sur l’intelligence artificielle. «L’écosystème est axé sur des cas d’utilisation et a été validé à travers des cas initiaux dans le domaine, du diabète ou de l’oncologie par exemple, ouvrant la voie à des applications futures dans d’autres secteurs de la santé», note NTT dans son communiqué de presse diffusé ce lundi.
Ce que cela pourrait changer pour un malade
Prenons l’exemple du diabète, qui affecte un demi-milliard de personnes dans le monde. Il s’agit d’une maladie qui n’est pas uniforme, avec différents types d’atteintes, et qui nécessite donc des soins personnalisés. Dans ce cas de figure, l’utilisation des données et l’IA pourraient permettre de prévenir un certain nombre de complications. Les médecins, sur base des données, pourraient envisager certains traitements spécifiques et en abandonner d’autres, prenant en compte le cas de chaque patient. Une multitude de données peuvent aussi permettre de tester l’efficacité de certains traitements, grâce à l’appui d’un jumeau numérique, et ainsi opter pour la meilleure prise en charge possible.
Tout comme le diabète, le cancer pourrait également être mieux pris en charge grâce aux données, pour choisir le meilleur traitement, anticiper d’éventuels effets indésirables, mais pas seulement. Dans ce cas de figure, un tel espace de données au service de la santé pourrait permettre d’établir des liens plus étroits entre, d’un côté, les équipes soignantes en charge d’établir les protocoles de soins des patients, et, de l’autre côté, les chercheurs qui travaillent à de nouvelles solutions pour soigner ces maladies. Des programmes de précision pourraient alors être mis en place.
«Notre rôle est de piloter la composante IA de ce projet, en développant de nouveaux algorithmes pour la recherche médicale, ouvrant ainsi de nouvelles frontières dans l’innovation en matière de santé», a justement indiqué le directeur du SnT de l’Université du Luxembourg, le professeur Yves Le Traon. Pour ces innovations, il faudra pouvoir se baser sur des données qui font du sens au regard de la composition de la population luxembourgeoise: tout le monde n’est pas exposé aux mêmes maladies de la même manière.